Par peur de la pandémie de Covid-19, les grands groupes de téléphonie, dont le coréen Samsung, ont participé uniquement de manière virtuelle à la grand-messe annuelle du secteur, qui a fermé ses portes début juillet dans la capitale de la Catalogne.
« La présence physique de Huawei souligne l’importance de l’Europe et plus largement du secteur mondial des télécoms dans la stratégie du groupe », explique Thomas Husson, analyste chez Forrester.
Dans ce Salon au format très allégé par la situation sanitaire, Huawei disposait de l’un des plus grands stands, surmonté du slogan « Lighting Up the Future » (Illuminer le futur).
Soupçonné par l’ex-administration Trump d’espionnage, Huawei a été placé en 2019 sur liste noire par Washington, ce qui empêche le groupe chinois d’accéder à des technologies américaines pour ses produits, notamment le système d’exploitation Android, propriété de Google et utilisé par la quasi-totalité des fabricants de smartphones hors Apple, mais aussi des composants pour ses équipements de réseaux ou ses smartphones.
Conséquence : alors que Huawei avait réussi à devenir l’un des plus gros vendeurs mondiaux de smartphones avec Samsung et Apple, occupant même brièvement la place de numéro un mondial, le groupe chinois a été éjecté du podium.
Fin 2020, Huawei n’était plus que le sixième fabricant mondial en termes de ventes, et au premier trimestre 2021, ses ventes en Chine avaient chuté de 50 % sur un an, selon le cabinet Canalys.
« Hors de Chine, l’Europe est la région la plus importante pour Huawei depuis déjà six ou sept ans », rappelle Ryan Reith, analyste chez IDC. « Ils arrivaient à y vendre des téléphones premium, sur lesquels ils font davantage de marge. L’Europe reste un marché-clé pour cela et Huawei ne s’en détournera pas », estime-t-il. Être absent du plus grand événement européen de téléphonie mobile « reviendrait à dire “on est finis” », avance M. Reith.
Priorité à la 5G
D’autant que Huawei vient de lancer son système d’exploitation HarmonyOS, afin de concurrencer Android (Google) et iOS (Apple), qui monopolisent actuellement le marché. Le fabricant chinois « doit convaincre les équipementiers de téléphonie d’inclure son logiciel dans différentes régions du monde », d’où l’intérêt des rencontres physiques à Barcelone, précise M. Husson.
Comme chaque année, l’entrée sur le stand de Huawei ne se faisait d’ailleurs que sur invitation, signe que le groupe avait soigneusement sélectionné les entreprises à rencontrer et se souciait peu du grand public, auquel aucun nouveau téléphone n’était présenté, contrairement aux années précédentes.
La firme chinoise veut surtout renforcer son activité première, celle des infrastructures de réseau télécom, primordiales pour le futur internet super-rapide 5G.
En fait, « la branche de Huawei était celle du fournisseur d’infrastructures. Il est crucial pour Huawei de réseauter avec autant d’opérateurs télécom internationaux que possible, afin d’apaiser sa peur d’une interdiction de ses équipements par certains gouvernements », souligne Sashan Segan, de PC Mag.
Fortement incités par Washington, le Royaume-Uni et l’Australie ont décidé d’exclure Huawei de leur marché de la 5G. Dans l’Union européenne, la Suède a fait de même, et plusieurs autres pays, dont la France, cherchent à réduire la place du groupe dans leurs réseaux mobile.
D’ailleurs, le patron de la branche réseaux Ryan Ding a vanté à Barcelone la qualité des équipements Huawei et les opportunités offertes. « Je vais vous expliquer comment nous avons maintenu la robustesse du réseau durant la pandémie », a-t-il expliqué à un parterre de spécialistes. « Dans les pays qui développent plus vite la 5G, les opérateurs télécom voient leurs revenus augmenter plus vite et ces pays ont de meilleures infrastructures numériques », a ajouté M. Ding.
Il a aussi donné l’exemple des gains d’efficacité et de productivité réalisés dans certaines industries chinoises, comme les mines et la sidérurgie, où certains travailleurs commencent à pouvoir travailler à distance grâce à la 5G.
Source : AFP